Sexualités Humaines 12 : Le Vaginisme : lieu fendu defendu. Par Michelle Boiron

Sexualités Humaines 12 : Le Vaginisme : lieu fendu defendu. Par Michelle Boiron

« Le vaginisme est à l'intromission du pénis ce qu'est le clignement de l’œil à la pénétration du moucheron » (1),disait Kröger. Comparaison qui signe le caractère involontaire de la constriction…
 
Comment « introduire » le vaginisme ?
Le terme est d’emblée provocateur, c’est un exercice difficile, les mots se dérobent. On est aux portes de l’intime. On se doit d’aborder ce sujet tabou avec humilité et une grande pudeur par respect pour ces femmes. Elles souffrent, au seuil de la jouissance, là où ça doit passer pour advenir, là où ça ne passe pas. Là où ça fait mal, là où ce devrait être l'entrée de la jouissance : c’est la butée. Face à ce continent inexploré, il a fallu aller fouiller chez nos pairs psychanalystes. C’est à la relecture, d’une part de Françoise Dolto qui, grâce une analyse très précise, répertorie tous les symptômes, véritable grille de lecture, de ce corps verrouillé et éclaire cette affection, notamment par le truchement de la phobie, et d’autre part de Jacques Lacan qui évoque l’expression d’une sexualité dangereuse.
D’emblée nous postulerons que le vaginisme se lit en relation étroite avec la phobie.
Dans son séminaire sur la relation d’objet, Lacan expose que l’objet de la phobie serait un élément significatif de l’histoire du sujet qui viendrait masquer une angoisse fondamentale : « Pour combler quelque chose qui ne peut se résoudre au niveau de l'angoisse intolérable du sujet, celui-ci n'a d'autres ressources que de se fomenter un tigre de papier. »(2)Lacan compare ce signifiant à de véritables parois de papier devenues pour le sujet aussi infranchissables que la muraille de Chine !
L’expression est joliment imagée pour représenter la femme souffrant de vaginisme. Nous allons mettre en lumière la manière dont le signifiant phobique protège de la disparition du désir. L’objet phobogène devient le symbole de tous les dangers liés à la sexualité qu’il faut repousser par des mécanismes de défense très organisés. Puis l’analyse d’un cas clinique nous permettra de vérifier les hypothèses de départ et quelques pistes thérapeutiques. Mais tout d’abord, il convient de donner une définition de ce qu’est le vaginisme et de revenir sur la notion de phobie.
 
Le vaginisme, une impasse ?
On retiendra cette définition :
« Le vaginisme correspond à l’ensemble des réactions musculaires kinésiques qui visent à fermer l’orifice vaginal lors du coït et existe aussi lors d’examens gynécologiques. Il s’agit de réactions réflexes involontaires de protections localisées au génital que l’on peut voir aussi comme un véritable système défensif de surfaces face à la pénétration vécue comme intrusion, si ce n’est agression. Ce système est souvent associé à une non-représentationou non-perception du vagin comme lieu érotique féminin et à des mauvais apprentissages sexuels acquis à des degrés divers. » (3)Distinct du vaginisme, la dyspareunie dite d’intromission est une pénétration douloureuse qui est un équivalent du vaginisme, mais incomplet, avec un certain degré de perméabilité et de pénétrabilité. C’est une phobie de la pénétration du pénis de l’homme et de l’agressivité phallique ; c’est une peur de la sexualité coïtale, et surtout la peur de son identité féminine inconnue et l’ignorance de son intimité. C’est parfois le résultat d’une agression ou d’un traumatisme sexuel. Ou bien seulement d’un fantasme de pénétration.On parle de dysfonction sexuelle, puisque c’est reconnu comme telle dans le monde médical. Elle peut être primaire ou secondaire, permanente ou intermittente ; sélective ou non. Elle peut se manifester avec un seul ou tous les partenaires. Elle peut être le résultat d’une agression ou d’un traumatisme sexuel. De la définition du vaginisme sont exclues les malformations vulvo-vaginales qui nécessitent un traitement chirurgical et qui peuvent rendre, également, la pénétration impossible.
 
La phobie, un rendez-vous ?
En grec ancien, phobie signifie effroi. L’effroi est du côté du sujet. L’effroi, lui, vient du latin : faire sortir de la paix. La phobie est la manifestation d’une symbolisation imparfaite du sujet qui face à un changement d’état se trouve confronté à l’impensable. Devenir adulte, exister en tant que sujet, c’est par définition ne plus être dans une relation fusionnelle. C’est donc s’être séparé. La phobie, quel qu’en soit l’objet, est la manifestation d’une symbolisation imparfaite, une maladie de la séparation. Les symptômes sont terrifiants pour celui qui les vit, puisque ce qui est en jeu pour lui dans l’objet phobique n’est rien moins que sa propre disparition en tant que sujet et le retour à un état fusionnel. Comme le dit Irène Diamantis : « La pensée devient incestueuse. » (4) La phobie interdit de penser rationnellement. On attribue à l’objet de la phobie un pouvoir qu’il n’a pas et qui empêche tout contrôle de la situation. L’objet de la phobie est effractant. Le vaginisme est un exemple de phobie associé. En effet, l’expérience montre que les femmes atteintes de vaginisme présentent une autre phobie.

 

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