L’autonomie du pénis et la machine corporelle: Quand les hommes parlent d’impuissance

 

L’autonomie du pénis et la machine corporelle: Quand les hommes  parlent d’impuissance
Les représentations du sexe-outil et du sexe-machine se dégagent de façon prépondérante de l’écoute du discours des hommes sur leur propre corps. Nous allons voir comment elles conditionnent la fonction sexuelle et par conséquent la relation.

La prépondérance de l’organique concernant le fonctionnement sexuel masculin semble être une sorte de certitude, tant dans le discours commun que dans les propos scientifiques. Le propos selon lequel la sexualité de la femme est associée à « l’esprit » et celle de l’homme à « la nature » ou, comme le dirait Alain Giami, « le fonctionnement sexuel de l’homme est implicitement réduit à son pénis, alors que celui de la femme ne semble pas avoir de localisation organique précise (le continent noir ?) » (1), fait partie des représentations actuelles de la sexualité masculine et féminine. Il semblerait donc évident et intégré socialement que la fonction sexuelle masculine serait plus organique, plus physique, et que la sexualité féminine serait plus complexe et déterminée par des processus psycho-sociaux.

Dans le discours commun, la sexualité masculine est essentiellement représentée comme étant une sexualité organique, objectivée dans le fonctionnement biologique du corps, de ses besoins et de ses pulsions, en opposition à une sexualité féminine perçue comme étant davantage subordonnée à la question du désir affectif, et moins à la dimension corporelle liée à un besoin physique.

Lors d’un travail de recherche réalisé auprès d’hommes consultant pour impuissance dans un Centre hospitalier universitaire parisien, nous avons décidé d’analyser le discours à propos du vécu corporel et des organes sexuels. Nous nous sommes centrés sur le rapport des hommes à leur propre corps et aux liens qui s’établissent avec l’identité, la masculinité et la sexualité.

L’être aux deux cerveaux

Le pénis est le lieu d’identification par excellence de l’homme tout entier, l’identification sexe/être est l’un des éléments essentiels de la virilité masculine ; cependant, le pénis est aussi considéré comme une entité indépendante de la personne, avec une mécanique impersonnelle.
Le pénis est investi, de façon ambiguë, à la fois bon et mauvais objet, ennemi et allié, car il peut être soit le siège des sensations les plus recherchées, soit l’organe qui dérobe au corps toute sa puissance : il peut symboliser tour à tour puissance et faiblesse.

Les hommes ne vivent pas leur sexe comme faisant un avec leur corps, et confrontés à l’autonomie de leur pénis, l’érection n’est pas vécue comme dépendant de leur volonté. Elle peut se manifester au moment où ils ne s’y attendent pas et vice versa. L’érection et la détumescence ne se présentant pas comme des actes volontaires, les hommes ont tendance à voir leur sexe comme un « petit personnage » pourvu d’une autonomie qui lui est propre. Dans les discours des hommes, l’on retrouve comment le pénis peut être désigné avec un prénom ou comment il existe un phénomène d’autonomisation en préférant parler de « le » pénis plutôt que « leur » pénis.

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