La logothérapie découvrir un sens à la vie

La logothérapie

Anna-Maria Stegmaier, psychothérapeute, art-thérapeute et formatrice en sciences de la santé, enseigne la logothérapie (du grec logos : parole, raison), dite «la troisième école de psychothérapie viennoise », après celles de Sigmund Freud et d’Alfred Adler (1). Elle témoigne pour Alternative Santé de cette discipline mondialement connue, conceptualisée par Viktor Frankl.

 

Alternative Santé : Qu’est-ce que la logothérapie ?

Anna-Maria Stegmaier :  Selon Viktor Frankl, l’inventeur de cette thérapie, la vie a un sens, une finalité, que chacun s’applique à chercher. Quand on ne trouve pas, l’envie de vivre vient à manquer, ce qui, à l’extrême, crée un sentiment de néant intérieur ou d’ennui profond. Ce « vide existentiel » peut dominer la vie des femmes et des hommes de tout âge. Il est aussi très répandu chez les jeunes. Il conduit, parfois, à la quête de pouvoirs, de plaisirs, au développement de maladies et de dépendances. La logothérapie invite à se dépasser, elle porte une dimension spirituelle forte, elle aide à reconnaître ses valeurs, à se découvrir unique, responsable de sa vie et à se réaliser.

 

A. S. : Comment trouver ce sens à la vie ?

Anna-Maria Stegmaier :  Inutile de chercher un sens abstrait ! Cela peut être des actes simples et quotidiens comme transmettre le savoir pour un enseignant, un parent ou un manager ; créer des espaces à vivre pour un architecte, un décorateur ou un urbaniste ; réaliser une œuvre pour un artiste ; ou dépasser une souffrance, dans le cas d’une maladie ou d’un handicap.

Aujourd’hui nous vivons dans une société de consommation, notre temps n’est pas ouvert à des valeurs qui transcendent le matériel.

J’ai travaillé avec un jeune de 18 ans, victime d’un accident de la route, il a eu les jambes amputées. Ses proches lui ont rendu visite, avec beaucoup de cadeaux et de friandises. Quand je suis venue lui demander comment je pouvais l’aider, il m’a répondu : « Donnez ces sucreries à ceux qui sauront s’en réjouir. » Il avait besoin d’autre chose.

Les rituels tels que les fêtes religieuses ou laïques, comme celle des moissons, pour remercier de la nourriture ont disparu. Ils permettaient de célébrer l’importance accordée à un événement ou une chose. Aujourd’hui, on consomme sans se poser de questions. On a perdu une certaine joie de vivre.

 

A. S. : Quel est le champ d’action de la logothérapie ?

Anna-Maria Stegmaier :  Névroses obsessionnelles  ou d’angoisse, frustrations … existentielles, tentatives de suicides, dépendances, démotivation, insomnies, bégaiements, etc. La logothérapie se propose de traiter de multiples maux. Elle recourt aux capacités « d’auto-transcendance » : l’orientation vers un but autre que soi-même, et à « l’auto-distanciation » : la volonté de ne pas admettre de se laisser imposer n’importe quoi par soi-même, et la capacité de se distancier de soi-même avec humour.

Les situations sont souvent très complexes et le logothérapeute peut prôner un traitement médicamenteux, avant de commencer l’accompagnement. Par exemple, pour les toxicomanes et les alcooliques : 90 % d’entre eux souffrent d’un « vide existentiel », et leur faire prendre conscience de leurs qualités et objectifs n’est souvent possible qu’après médication.

 

A. S. : Comment se déroule une séance de logothérapie?

Anna-Maria Stegmaier :  Le patient raconte son histoire. Le thérapeute met en relief les réussites, dégage les capacités et les valeurs chères à la personne. Il élargit ainsi son champ de vision pour qu’elle puisse modifier ses attitudes.

On ne focalise pas sur les points faibles, mais sur les qualités et les meilleures possibilités de l’avenir, car toute personne, même malade, porte en elle une pureté, un « noyau sain ». Viktor Frankl disait que« la dimension noétique » (du grec  noos : la dimension spirituelle) reste toujours saine, même si le patient souffre d’une maladie. C’est en cela que réside le « credo psychiatrique » du fondateur de la logothérapie. Chaque vie humaine est précieuse, même en cas de handicap, de psychose ou d’âge avancé. La logothérapie vise à recouvrer l’estime de soi et la dignité.

Le thérapeute travaille surtout verbalement, mais selon sa spécialité et la personnalité du sujet, il peut aussi utiliser l’art-thérapie, la kinésithérapie ou la musicothérapie.

Le temps est précieux, aussi la logothérapie fait partie des thérapies brèves : vingt séances doivent suffire à améliorer le trouble qui a conduit à consulter.

 

A. S. : Pourquoi vous intéressez-vous à cette psychothérapie?

Anna-Maria Stegmaier :  La logothérapie répond aux besoins de notre temps. Elle permet de développer la perception des valeurs, et de trouver un sens à sa vie. Il y a vingt ans, j’ai lu l’ouvrage de Viktor Frankl, et je me suis demandée pourquoi je n’en avais jamais entendu parler pendant mes études universitaires. J’ai trouvé un institut en Allemagne, et je m’y suis formée. Depuis, je consacre ma vie à faire connaître la logothérapie. Je n’ai pas écrit de livre car Viktor Frankl en a publié d’excellents, je préfère les mettre en valeur.

La logothérapie de Viktor Frankl a été reconnue par l’American Medical Society, l’American Psychiatric Association et l’American Psychological Association, comme école de psychothérapie fondée scientifiquement. Elle est aussi reconnue par l’European Association of Psychotherapy (EAP). Plusieurs revues paraissent dans le monde, des congrès nationaux et internationaux sont aussi organisés. En France, il y a en a eu deux : à Lyon en 2005 et à Strasbourg en 2006.

Le métier de « conseiller logothérapeutique » est reconnu en Suisse et en Autriche, inscrit aux registres des métiers. En France, l’intérêt pour cette discipline commence, je reçois déjà trois à quatre demandes de renseignements sur la logothérapie par jour.

  1. Pour Sigmund Freud, la source de motivation est le plaisir ; pour Alfred Adler, la volonté de puissance ; pour Viktor Frankl, le sens de sa vie.

 

Propos recueillis par Tiphaine Pascal