Sexualité et Pornographie, Lien et Séparation dans le Couple

Sexualité et Pornographie

A travers deux exemples cliniques, nous allons aborder comment la pornographie peut être facteur de lien et de séparation dans le couple.

Nous essaierons de montrer quels sont les liens intra-psychiques ou interindividuels qui entrent en jeu dans la relation au sein du couple, par l’intermédiaire de l’objet pornographie – qu’il soit écrit ou visuel (iconique ou cinématographique) -, et qui viennent enrichir ou détériorer le lien du plaisir et de l’amour entre deux partenaires.

Jacques et Julie

Jacques et Julie ont douze ans de vie commune. Ils sont âgés, lui, de 47 ans, et elle, de 44 ans. Cadres supérieurs dans une entreprise, ils sont divorcés tous les deux. Ils ont ensemble deux enfants de 11 et 8 ans (ils n’avaient pas d’enfants de leur précédent mariage). Ils sont cadres supérieurs tous les deux. Ils se sont rencontrés en boîte de nuit. Leurs relations sexuelles, très riches et très variées, sont « suffisamment bonnes ».

Tous deux, dans leur précédent couple, ont fréquenté les lieux échangistes. Tous deux ont eu des expériences d’homosexualité, des relations avec trois ou quatre partenaires. Depuis longtemps, ils ont utilisé, l’une et l’autre, les supports pornographiques (livres et photos, ainsi que les supports vidéo, visite des sites sur Internet), notamment, pour se masturber pendant leur adolescence, et plus tard dans leurs périodes de solitude.

 

A l’occasion de fêtes ou d’anniversaire, ou pour un cadeau surprise, ils s’offrent des DVD ou de la littérature pornos qui sont très appréciés. Ils les lisent, les visionnent ensemble, ce qui les met dans des états d’excitation les conduisant à faire l’amour très souvent.

Progressivement, dans le couple, le support vidéo va devenir comme une drogue. Ils ne peuvent plus avoir d’orgasmes « vrais », comme ils disent, sans la vision des images d’un film, qu’ils essaient de reproduire, parfois, co-simultanément, par mimétisme, dans leur acte sexuel, comme si le film était pour eux une sorte de guide ou de manuel d’instructions qu’ils doivent, impérativement, suivre à la lettre. Sans le support vidéo, leur relation sexuelle devient fade et sans attraits.

Ainsi la vidéo triangule la relation entre Jacques et Julie. Le rapport interindividuel passe par l’introjection commune des images à l’écran. Ces images à l’écran introduisent un clivage intérieur, puisqu’ils sont, à la fois, et dedans et dehors. En prenant une phrase de Jacques Lacan, on peut dire qu’ils sont « en exclusion interne à leur objet ». Mais pour eux, c’est un message vecteur portant et nourricier, même s’ils sont divisés entre cette image à laquelle ils veulent s’identifier – et qu’ils ne sont pas - et cette sensation physique interne qu’ils ressentent - mais qui n’est pas celle des acteurs à l’écran. On peut dire ici que c’est la dimension imaginaire, médiatisée par ce support réel, qui reste prépondérante, puisque, si elle disparaît, l’intensité de la relation sexuelle disparaît aussi.

Joël de Martino