Métaux lourds et hypersensibilité chimique multiple

Dr Philippe Tournesac

Le syndrome d’hypersensibilité chimique (MCS) touche environ 2 % de la population, soit plus d’un million de personnes en France. Les symptômes sont polymorphes. Même s’il n’existe pas de consensus international unanime, certains critères permettent d’établir un diagnostic. En 1989, un groupe de 89 médecins, scientifiques et chercheurs spécialisés dans l’hypersensibilité chimique multiple se sont réunis aux États-Unis pour proposer une définition clinique normalisée. Un sixième critère a été ajouté en 1999.


Les critères sont :


1. Les symptômes sont reproductibles avec expositions répétées aux produits chimiques.
2. La condition est chronique.
3. De faibles niveaux d'exposition [plus bas que précédemment ou communément tolérés] résultent en des manifestations des symptômes.
4. Les symptômes s'atténuent ou disparaissent lorsque les irritants sont supprimés.
5. On constate des réactions à de multiples substances non reliées chimiquement.
6.[Ajouté en 1999] : Les symptômes impliquent plusieurs systèmes d’organes.
7. De plus, quatre symptômes neurologiques spécifiques ont été découverts pour différencier la plupart des patients dans une étude par une unité de recherche sur l’hypersensibilité environnementale de l’université de Toronto.
a. Avoir un sens de l'odorat plus élevé que la normale.
b. Avoir de la difficulté à se concentrer.
c. Avoir la sensation d’être étourdi ou sonné.
d. Avoir la sensation de planer.

Le terme de métal lourd a longtemps été mal défini, certains ont voulu le remplacer par élément trace métallique. En 2000, l’Europe a proposé une définition pour établir un cadre juridique en particulier pour la gestion des substances toxiques : « par "métal lourd", on entend tout composé d'antimoine, d'arsenic, de cadmium, de chrome (VI pour hexavalent), de cuivre, de plomb, de mercure, de nickel, de sélénium, de tellure, de thallium et d'étain ainsi que ces matériaux sous forme métallique, pour autant qu'ils soient classés comme substances dangereuses ».


Les plus en cause

Les cinq métaux les plus en accusation pour leur toxicité et leur présence trop grande dans notre environnement sont le mercure le plomb, l’arsenic le cadmium et le chrome(VI).Lien

Avec la maladie


Pour certaines maladies, comme le saturnisme ou l’intoxication au chrome, la réponse est relativement facile. Dans beaucoup d’autre cas, c’est plus compliqué. Le métal lourd est-il le déclencheurou un facteur aggravant ? L’interrogatoire, la chronologie d’apparition des symptômes permettent parfois de mieux comprendre la situation. Certains en font la cause de beaucoup de maladies : auto-immunes, fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, cancer, maladies cardiovasculaires. Comme on cherche le coupable à sa maladie et que nous sommes en général porteurs de l’un ou l’autre de ces métaux, il est facile de créer un business autour de ce sujet. Il me semble utile de rappeler que les maladies chroniques proviennent d’une conjonction de facteurs externes avec l’état d’un individu (nutritionnel, génétique, immuno- infectieux, hormonal et neuropsychologique).


Métaux lourds et Mcs

Le MCS survient le plus souvent après une exposition répétée, prolongée ou intense à un produit chimique (Winder, 2002). Un effet de seuil d’accumulation de produits toxiques sur un terrain présentant un stress oxydatif (M. Pall 2009) ou une inflammation chronique (Winder, 2002) est en général observé chez la plupart des patients. Les métaux lourds ont la particularité de provoquer ce stress oxydatif et une inflammation chronique (V. Stejskal 1999). Medline n’identifie qu’une seule étude sur l’implication des métaux lourds dans le MCS. Pigatto et al en 2013 ont publié des travaux portant sur 41 patients souffrant de MCS. Ils concluent à une augmentation de la prévalence des allergies au métaux lourds et à des concentration plus importantes de mercure chez les patients souffrant de MCS.

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